Templeuve et la chasse aux sorcières
L'histoire de Templeuve est liée aux sorcières.
En effet de nombreux procès en sorcellerie s'y sont déroulées. En 1656, notamment, de nombreux sorciers et sorcières furent condamnés et exécutés, dont Marie Navart, la plus célèbre.
Marie avait subi l'accusation de sorcellerie de la part du frère de son premier mari et de la femme de celui-ci. Cette dernière, notamment, l'accuse de la mort de son fils Charles. Marie, venue prêter son aide pour l'accouchement, aurait recouvert le visage de la mère de sa jupe et aurait ainsi jeté un sort à l'enfant à naître. D'autres accusations sont portées par le frère de son deuxième mari, qui estime avoir été ensorcelé par un, craquelin(pain constellé de pépites de sucre, recette belge) qu'elle lui aurait donné. D'autres habitants se plaignent d'avoir subi un sort, qui par l'intermédiaire d'un fromage, qui par celle du pomme, qui par un coup porté par Marie.
Marie décide de s'enfuir pour échapper au procès. Elle veut gagner la Belgique. Elle est arrêtée le 10 Novembre 1656, et placé dans un panier béni suspendu au-dessus du sol. On veut éviter qu'elle reçoive des pouvoirs magiques par son contact avec la terre ferme. L'inquisiteur demande qu'elle soit rasée et placée sous camisole. Pour la déclarer sorcière, il faut trouver le stigma diabolique. C'est un point insensible duquel le sang ne coule pas. Le barbier du village, qui fait ici office de " chirurgien ", pique Marie entre les épaules. Seul un liquide jaune est retiré, pas de sang.
Le moment est venu pour Marie de se défendre. Elle ne peut que nier, car si elle présentait des témoins à décharge, ceux-ci seraient accusés de sorcellerie. Le 11 Décembre, elle est confronté aux témoins à charge. Le 16 Décembre, elle subit la question extraordinaire. Elle est condamnée et brûlée vive.
A l'époque où la place publique de Templeuve était encore un cimetière, entre la rue d'Orchies et le presbytère se trouvait une pierre rectangulaire, marquée d'un tau (symbole ancien en forme de croix). Elle était appelée pierre aux sorcières. On y exposait les sorciers avant de les mener à l'exécution. Ce serait une pierre de sacrifice, destinée à recueillir le sang des victimes. Elle se trouve aujourd'hui derrière le monument aux morts.
Le lieu d'exécution, appelé aussi lieu patibulaire, est situé au lieu-dit des Solières près de la rue de Lille. Une sorcière subsiste encore en ces lieux sous la forme d'une girouette placée sur le toit d'une des maisons de l'endroit.
La croyance en des phénomènes liés, de près ou de loin, à la sorcellerie demeure très vivace chez quelques personnes. Pas étonnant quand on sait que la Pévèle fut, avec la Flandre Maritime, la contrée d'Hazebrouck-Bailleul, et le Douaisis, un foyer de sorcellerie sous l'Ancien Régime. Aux quatre coins du pays, des bûchers se sont allumés, particulièrement au XVIlème siècle.
Cette réalité historique soutend les croyances actuelles. Car c'est précisément dans ces villages (Cysoing, Templeuve, Bouvignies,...) qu'elle se révèle puissamment enracinée. Qu'on en juge par cet échantillon d'histoires de sorcellerie que l'on racontait vers 1950. Elles ont été recueillies et transcrites par Clovis Sergeant (2). Les trois premières concernent Cysoing et la quatrième Bourghelles. On notera l'importance du breuvage local : le café.
Séraphine
"La petite Séraphine terrorisait Bourghelles.
Une femme raconte qu'un jour, montant dans sa chambre, elle vit dans l'escalier une énorme bête entre ses jambes. Elle eut tellement peur qu'elle partit se placer comme servante dans une grande ville, pensant être ainsi délivrée à jamais des embûches de Séraphine.
"Dans une cabane misérable et désordonnée vivait une vieille femme, aussi sale et aussi vieille que sa masure. Elle avait nom Marie-Claire. Qui était-elle ? D'où venait-elle ? On n'en sait rien. Peut-être de Templeuve renommée à juste titre pour être le pays natal des sorcières. Mais n'anticipons pas. Donc, cette Marie-Claire, était renommée pour jeter des sorts, et c'était un peu vrai. Tous les enfants, dès qu'ils l'apercevaient, couraient après elle, et lui lançaient des pierres. Alors, celle-ci s'amadouait, appelait un petit garçon ou une petite fille et lui donnait une pomme, ou autre chose. Et l'on pouvait être sûr que ces enfants là, tomberaient malades ou mourraient dans l'année.
On lui a attribué de cette façon la mort de plusieurs enfants. Elle disparut un jour sans qu'on sût ce qu'elle était devenue. Mais avant son départ, Marie Claire passa devant une maison où plusieurs femmes buvaient du café. Aussitôt, sans être invitée, elle entra. Les personnes présentes, qui la connaissaient, se gardèrent bien de l'offusquer et lui servirent une tasse de café. Marie-Claire but en silence et partit sans mot dire. On crut que les faits s'arrêteraient là, mais le lendemain les buveuses de café durent s'aliter. Un poids formidable obstruait leur estomac, menaçant de les étouffer. C'était encore un mauvais tour de Marie-Claire, qui avait dû prononcer des incantations magiques au moment où ces dames approchaient leurs lèvres du bol, et il fallut l'intervention du curé de la paroisse qui vint les exorciser".
Zélie
"Une autre sorcière se nommait Zélie et personne ne sait où elle habitait. On raconte qu'un jour elle entra dans une maison. L'homme était malade. Zélie réclama à son épouse la traditionnelle tasse de café, mais sur le refus de l'épouse, Zélie partit en murmurant tout bas des mots incompréhensibles.
Le mari, ayant bu le premier la tasse de café contenu dans la cafetière qui était sur le poêle lors de la visite de Zélie, mourut quelques jours plus tard.
Son épouse, ayant bu ensuite, ne dut sa guérison qu'aux exorcismes d'un prêtre".
déline
"Fidéline avait de l'aversion envers une famille parente. Elle décida de faire mourir les deux garçons. Que fit-elle ? Mystère. Toujours est-il que les deux enfants moururent d'un mal étrange. Nul n'osa inquiéter Fidéline.
La fille de Fidéline, qui n'aimait point sa mère, fut prise tout à coup d'un mal troublant, angoissant. Elle s'imaginait toujours voir sur la cheminée un chat noir qui la regardait fixement. La pauvre fille se tordait de douleur et le chat ne partait point. Lorsqu'elle rendit le dernier soupir, elle s'écria : "Ah ! ma mère, nous étions trop tous les trois ! " . Accusation sibylline, mais combien terrible".